Le populisme

P. Poujade

Deuxième conférence de B. Benoit sur les « Grands dossiers contemporains ».
Naissance, caractéristiques et formes du populisme dans le monde

Naissance du populisme

Le populisme est apparu au XIXème siècle aux Etats-Unis et en Russie dans le monde rural. Le « populism » américain naît dans une société en plein développement mais qui laisse les fermiers à l’écart. En Russie, il est également lié à l’insatisfaction du monde paysan et vise à instaurer un système d ‘économie socialiste agraire (mouvement des Narodniki, gens du peuple, en russe).

Populisme et racisme

Le populisme s’oppose à la modernité et rejette la société multiculturelle, multiethnique qui l’accompagne. C’est une opposition identitaire car « l’autre » n’appartient pas au groupe dominant. C’est aussi un rejet par ceux qui se sentent écartés alors que les « différents » sont mieux intégrés (ce qu’on appelle le racisme des « petits blancs »).
Au départ, le populisme n’est pas « naturellement » raciste. Il repose même sur une idée de justice. Il met en accusation les « gros », les puissants, les riches. Mais la frontière entre populisme et racisme est fragile. Au cœur de l’antisémitisme, il y a l’idée que le juif est riche. Et dans une période de crise, cette idée ressurgit (voir l’affaire Dreyfus).

Un phénomène conjoncturel

Depuis 1945, on peut dégager deux grandes phases du populisme :

P. Poujade
P. Poujade
– En 1955, le mouvement poujadiste. Au départ, ce mouvement revendique la défense des « petits » commerçants et artisans contre les « gros », en particulier les grandes surfaces qui apparaissent dans la France de l’après-guerre. Il se développe sur un vieux fonds de rejet du politique, du parlementarisme (« Sortez les sortants ! »), fait appel aux anciens combattants de 14 pour stopper la « décadence » de la France.

JM Le Pen
JM Le Pen
– Dans les années 80, le Front National de JM Le Pen (élu député poujadiste en 56…) sort de l’ombre. En 87, dans son discours de candidature à la Présidence, prononcé à La Trinité sur mer, Le Pen annonce que la France est en « grand danger », parle de restaurer la « foi patriotique » et les valeurs sacrées « l’ordre, le travail, la concorde » avant de conclure « Aidons-nous…Dieu nous aidera » !!
On voit que le populisme se développe toujours dans un contexte de crise.

Les caractéristiques du populisme

Il rejette :

– l’impôt, dont les populistes se demandent à quoi il sert

– l’Etat, considéré comme un prédateur

– les partis traditionnels et leurs dirigeants, ces énarques qui sont loin du terrain, ces élites qui ont trahi

– l’Europe qui fait payer des impôts, crée une « couche » supplémentaire de politique, se veut au-dessus du national.

Il défend :

  • La Nation
    Le populisme se réclame de la Nation tout en considérant que ses « représentants » sont illégitimes. Il est une Nation « révoltée ».
    En 1949, Maurras expliquait que quatre « Sous France » ne pouvaient faire partie de la Nation (1949) à savoir, les Protestants, les Francs maçons, les métèques (les étrangers) et les juifs. Vichy mettra en application ses thèses.
    Maurras
    Maurras
  • La famille
    C’est notamment au nom de la « famille » que C. Taubira a été vilipendée lorsqu’elle a défendu le mariage pour tous.

Le populisme dans le monde

En Europe

Le populisme en Europe
Le populisme en Europe

L’Europe entière est touchée.
– Le premier pays qui l’a développé est l’Autriche. Le parti de la liberté d’Autriche « Freiheitliche Partei Österreichs », le FPÖ est fondé en 1949. Il a été longtemps dirigé par Jörg Haider et est présidé depuis 2005 par H C Strache.
– En Suisse, C. Blocher (Union démocratique du centre) refuse l’adhésion à l’Europe. Son parti est en mesure de faire échouer une élection au sein de la confédération.
Umberto Bossi
Umberto Bossi
– En Italie, le parti de la Ligue lombarde mené par Umberto Bossi demande la scission de l’Italie du Nord avec les régions pauvres du Sud. Rebaptisée Ligue du Nord en 91, il est porté au pouvoir en 94 en s’alliant avec deux autres partis de droite. Aujourd’hui, la fille de Berlusconi a pris la tête du parti.
– En Belgique, le Vlaams Blok « Bloc flamand » est un parti nationaliste qui prône la scission du pays en deux (Flandres et Wallonie).
– En Slovénie, comme dans beaucoup d’anciens pays communistes d’Europe de l’Est, un nouveau populisme voit le jour contre la mondialisation mais aussi contre certaines minorités, par exemple, les Roms (en Hongrie et en Bulgarie).
– Dans l’Europe du Nord, le parti norvégien « Les Vrais Norvégiens » peut expliquer indirectement la fusillade de 77 étudiants par Anders Behring Breivik sur l’île d’Utoya en 2012.
– En Grèce, « l’aube dorée » est à la fois un parti populiste et nazi.

En Amérique latine
Le populisme renvoie principalement à trois expériences politiques :
– Le gouvernement de Juan Peron en Argentine de 1946 à 1955,
– celui d’H Chavez au Venezuela
– et celui de Cardenas au Mexique dans les années 30.

Conclusion

Pour B. Benoit, le populisme ne serait pas systématiquement le pire des régimes. C’est une formule intermédiaire entre la démocratie et le totalitarisme, dans des pays qui ont du mal à entrer dans la modernité.
Il ne menace pas nécessairement la démocratie car il oblige cette dernière à réagir. C’est un entre-deux qui peut mener au chaos mais peut aussi permettre une démocratie renouvelée .

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