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La production d’énergie nucléaire
lundi 23 avril 2012
par (
Il y a 1 message de forum. )Résumé de l’article
Dans une centrale nucléaire, la chaleur produisant la vapeur d’eau qui entraîne la turbine provient de la fission de l’uranium.
Deux éléments sont essentiels pour la sécurité :
le circuit de refroidissement du coeur,
l’enceinte de confinement.
Le principal avantage attendu de l’électricité nucléaire est son très bon bilan carbone.
Les trois risques principaux sont
les accidents majeurs,
la gestion des déchets,
la prolifération nucléaire.
Le prix de l’électricité d’origine nucléaire (hors risque d’accident majeur) est actuellement le moins élevé comparé aux autres modes de production.
Potentiel de développement en 2050 : 3 à 6000 Mtep
1. Description
1.1 Principe général
Dans une centrale classique, le fonctionnement général est le suivant :
- Le combustible (charbon, pétrole ou gaz) chauffe une réserve d’eau contenue dans une chaudière.
A haute température, l’eau se transforme en vapeur sous pression, qui entraîne une turbine (c’est une cocotte minute !)
La turbine entraine un alternateur qui produit l’électricité.
La vapeur d’eau est refroidie pour qu’elle se condense en eau liquide, pompée pour retourner dans la chaudière.
Dans une centrale nucléaire le principe est identique.
Le combustible classique est remplacé par un « combustible » nucléaire : l’uranium, dans lequel se produit la réaction de fission, source de la chaleur.
Toutefois et compte tenu de la radioactivité émise par la fission de l’uranium, les centrales nucléaires (notamment françaises) diffèrent par deux éléments essentiels :
L’eau chauffée par la réaction nucléaire n’entraîne pas directement la turbine : elle reste dans un « circuit primaire ». Ce circuit primaire transfère la chaleur à un « circuit secondaire », où la vapeur produite entraîne la turbine.
Les éléments radioactifs (combustible et circuit primaire) sont isolés dans une « enceinte de confinement » visant à ce que la radioactivité ne puisse se diffuser à l’extérieur de cette enceinte.
Ce sont ces deux éléments et leurs défaillances éventuelles qui sont à la base des principaux risques au niveau de la centrale nucléaire elle-même.
1.2 Maîtrise de la fission nucléaire dans le réacteur
Pour maîtriser la réaction de fission dans un réacteur nucléaire, trois conditions essentielles doivent être respectées :
1) Contrôler le nombre de neutrons assurant la fission : s’il y en a trop, la réaction s’emballe. S’il n’y en a pas assez, elle s’arrête.
2) Ralentir ces neutrons. S’ils sont trop rapides, ils ratent leur cible, c’est à dire le noyau d’uranium à fissionner.
3) Évacuer la chaleur : pour la transférer au circuit secondaire (c’est le but !) et éviter que le cœur ne fonde (c’est le risque !)
Le cœur d’un réacteur est composé d’une cuve remplie d’eau, avec des barres de combustible et des barres de contrôle.
- Cuve d’un réacteur
Le combustible se présente sous forme de longs cylindres verticaux en métal, remplis de pastilles d’uranium. Ces cylindres sont plongés dans l’eau du circuit primaire. Cette eau a deux fonctions :
modérateur : elle ralentit les neutrons émis lors de la fission (condition 2).
fluide caloporteur : elle refroidit les cylindres de combustible et transporte la chaleur récupérée ver le circuit secondaire (condition 3).
Reste à contrôler le nombre de neutrons (condition 1). C’est fait avec des barres de bore, que l’on peut enfoncer verticalement entre les cylindres d’uranium. Le bore est un excellent matériau pour absorber les neutrons :
Trop de neutrons ? on baisse les barres de bore. En les enfonçant au maximum on peut même arrêter la réaction en chaine.
Pas assez de neutrons ? on remonte les barres de bore.
Pour le lecteur aventureux qui voudrait contrôler en direct un réacteur nucléaire (simplifié, pas de circuit secondaire), je lui conseille de cliquer ici.
Lisez attentivement le mode d’emploi. Vous avez à votre disposition 8 paramètres :
L’enfoncement des barres de contrôle en bore (les glisser avec la souris).
Deux vannes du circuit de vapeur alimentant la turbine (cliquer dessus).
Deux vannes du circuit d’eau refroidissant le réacteur.
Les deux pompes attenantes.
La pompe de refroidissement du condenseur.
Je vous préviens, il faut avoir le coeur bien accroché ! Quand ça foire, c’est impressionnant...
2. Avantages attendus du nucléaire
Très faible production de CO², rapportée à l’énergie produite (cette production n’est toutefois pas nulle, si l’on tient compte de l’extraction de l’uranium et de la construction de la centrale). C’est l’argument majeur en faveur du nucléaire.
Production d’électricité à un coût très compétitif (même avec les surcoûts de sécurisation suite à Fukushima).
Sous réserve de ne pas prendre en compte les coûts économiques et sociaux d’un accident majeur (Tchernobyl, Fukushima). Voir ci après les risques.
Production permanente (sauf arrêts de maintenance), sans l’intermittence des énergies photovoltaïque et éolienne.
Excellente densité énergétique (il faut moins d’un km² pour produire 10 Twh d’électricité.
3. Inconvénients et risques
Coût d’investissement élevé, réservant pratiquement cette technologie aux pays développés.
Réserves en uranium finies, sauf à passer à une nouvelle génération de centrales (surgénération). Voir ci après en 4 : potentiel de développement.
Problème considérable de gestion des déchets.
Voir article spécifique (en projet)
Risque d’accidents majeurs, ceux classés au niveau 7 (Tchernobyl, Fukushima) de l’échelle internationale des accidents.
Le coût économique est tel (décontamination de vastes territoires, déplacement et relogement de populations entières, ...) qu’aucun assureur ne veut en supporter le risque. Celui-ci ne peut être pris en charge que par un Etat (donc les contribuables), sous réserve qu’il s’y engage (cas du Japon, mais quid de l’URSS ou de l’Ukraine ?)
Quant aux coûts sociaux...
Globalement, et au moins pour les accidents de niveau 7, le risque ne peut être accepté que si la probabilité d’un tel accident est considérée comme quasi nulle.
C’était le sentiment avant Fukushima, et maintenant ?
Enfin le dernier risque, également considérable, est celui de la prolifération nucléaire.
On peut dans une certaine mesure s’assurer que les technologies mises en oeuvre par un pays conduisent à un usage civil du nucléaire. Mais si un Etat veut délibérément tromper les organismes de contrôle et passer au nucléaire militaire ?
Il faut aussi prendre en considération le risque d’un "marché noir" de produits radioactifs, récupérés par un Etat voyou ou par un groupe terroriste pour fabriquer une "bombe sale", dont les effets sanitaires et psychologiques seraient très élevés.
4. Potentiel de développement
Après deux premières générations de réacteurs on en est actuellement à la troisième génération
4.1 Développement de la troisième génération
Situation actuelle
La plupart des centrales récentes (60% dans le monde, 80% en Europe, 100% en France) sont dites de "troisième génération", telles que décrites ci-dessus. Elles disposent des deux éléments majeurs de sécurité (à la différence des centrales de générations antérieures) :
Un circuit primaire de refroidissement et un circuit secondaire de production de vapeur, ces deux circuits étant distincts.
Une série de barrières visant à confiner la radioactivité :
- les barres métalliques contenant l’uranium.
- La cuve en acier contenant les barres de combustible et les barres de contrôle
- Une enceinte de confinement en béton, pouvant résister à l’impact d’un avion léger.
Ces centrales ont un rendement d’environ 33%. Elles produisent de 900 à 1200 Mwh par année.
Développement à court terme
_ Au niveau européen, les prochaines centrales envisagées sont (seraient ?) de type EPR (Réacteur Pressurisé Européen) dont le prototype est en construction à Flamanville.
On considère que l’EPR est encore un réacteur de 3ème génération, mais bénéficiant des principales avancées suivantes :
Rendement de 36%
Production de 1650 Mwh par an.
Amélioration de la sécurité notamment sur les deux point suivants :
- enceinte de confinement conçue pour résister à l’impact d’un avion lourd,
- réceptacle sous la cuve destiné à recevoir le "corium", c’est à dire le contenu de la cuve (uranium et métaux constituant les barres) qui auraient fondu suite à un défaut du système de refroidissement (c’est ce qui s’est passé à Fukushima).
4.2 Quatrième génération
A plus long terme (2030) la plupart des Etats développés se sont accordés pour étudier des réacteurs dits de "Quatrième génération".
Les objectifs affichés sont :
améliorer la sûreté nucléaire,
améliorer la résistance à la prolifération,
minimiser les déchets,
optimiser l’utilisation des ressources naturelles,
diminuer les coûts de construction et d’exploitation des réacteurs.
Six axes d’études ont été retenus. La France s’est inscrite pour étudier le prototype "réacteur à neutrons rapides à caloporteur sodium", compte tenu de l’expérience acquise avec Phoenix et SuperPhoenix.
C’est le projet "ASTRID" qui bénéficie (à ce jour) d’un financement de 650 millions d’euros pour la période 2010-2017, dans le cadre du grand emprunt national.
Avantages attendus : un réacteur surgénérateur permet de produire du plutonium 239 (fissile) à partir de l’uranium 238. On peut donc ainsi :
éviter de "brûler" l’uranium 235 dont le stock mondial est limité (50 années de consommation ?)
utiliser l’uranium 238 dont le stock est considérable, correspondant à des milliers d’années d’utilisation.
Risques : il faut aussi rappeler que le réacteur SuperPhoenix a été arrêté en 1998, en fonction de l’analyse des risques suivants :
Exploitation nécessitant 5 tonnes de plutonium.
Utilisation du sodium liquide comme fluide caloporteur. Le sodium liquide s’enflamme à l’air libre et son incendie est très difficile à maîtriser.
Technologie de fission assurée par des neutrons rapides, dont le contrôle du foisonnement est nettement plus critique que celui des neutrons lents utilisés dans la fission classique.
4.3 Fusion nucléaire
A beaucoup plus long terme (début du siècle suivant), 7 partenaires majeurs (Europe, USA, Inde, Japon, Corée du Nord, Chine, Russie) ont lancé le projet ITER, visant à utiliser la fusion nucléaire, et non la fission.
Un prototype permettant de tester les principaux concepts est en construction en France à Cadarache. Coût prévu de 10 milliards d’€ en 2006, réévalué d’un facteur 2 en 2009)
Les principaux avantages attendus de la fusion sont les suivants :
les produits de base (deutérium et tritium) sont très courants dans la nature ou faciles à obtenir.
la réaction produit de l’hélium, donc il n’y a pas de sous-produits radioactifs.
l’énergie produite par une réaction de fusion est environ dix fois supérieure à celle d’une réaction de fission.
Compte tenu des difficultés théoriques et pratiques (par exemple il faut atteindre des températures de 100 millions de degrés), les enseignements tirés du prototype de Cadarache ne sont pas attendus avant 2100, et un éventuel fonctionnement opérationnel avant 2120.
4.4 Quel potentiel chiffré ?
Même hors fusion nucléaire, dont l’horizon est trop lointain, il est très difficile de chiffrer le potentiel de développement de l’énergie nucléaire, qui dépendra essentiellement de quatre facteurs :
L’acceptabilité sociale de cette technologie, compte tenu des risques considérables qu’elle représente. C’est probablement la limitation majeure dans les pays démocratiques, a fortiori si de nouveaux accidents majeurs devaient advenir.
Les modalités d’assurance des risques. Comme rappelé précédemment, seuls les Etats sont actuellement en capacité de couvrir ces risques. La pression des opinions publiques (là encore dans les pays démocratiques) pour que les risques soient pris en charge par les entreprises responsables (comme dans le cas du pétrole) n’incite pas les investisseurs à se lancer massivement dans cette technologie (c’est particulièrement le cas aux Etats Unis).
La prise en compte sociale du risque climatique. Il faut bien reconnaître qu’elle n’est pas très forte actuellement, même si elle se développe.
A l’inverse et en cas de pénurie drastique d’énergie entraînant de forts risques de récession économique, il est probable que certains Etats (notamment la Chine, mais on voit aussi cette tendance en France) passeront outre les réticences de leurs populations et imposeront de fait le re-déploiement du nucléaire.
Au final (il faut bien retenir un chiffre !) et après consultation de multiples bouquins, sites, scénarios et boules de cristal (de roche) je propose de retenir un fourchette de 3 à 6 Gtep d’énergie nucléaire en 2050.
5. Coûts et prix
Les éléments ci-après sont ceux de la production en France, qui fait référence dans le domaine de l’électricité nucléaire
Le coût de production de l’électricité nucléaire est essentiellement un coût d’investissement, donc très dépendant du coût du crédit sur le marché financier.
La part due au prix du combustible est relativement faible (c’est l’inverse pour le gaz ou le charbon).
- Coût de l’électricité nucléaire
- Parts de l’investissement, de l’exploitation et du combustible
Source Ministère de l’industrie
Le prix de production de l’électricité nucléaire en France est actuellement de 32 à 42 € par Mwh.
Il passerait à 42 ou 46 € en incluant les mesures de sécurité demandées par l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) suite à l’accident de Fukushima.
Le coût de démantèlement des centrales existantes est inclus, mais sans doute sous-estimé si on se réfère :
à la hausse des coûts prévus pour l’unique centrale française actuellement en démantèlement (Brennilis)
au coût de démantèlement prévu par centrale en Grande Bretagne.
Le coût de traitement des déchets est prévu par EdF, mais partiellement, les coûts de recherche étant pris en charge par le CEA et par le CNRS (recherches sur le site de Bure).
Vos commentaires
Ah enfin, on entre dans du concret après tout le b a ba sur les bases de la physique !
Dommage que je n’ai pas réussi à contrôler en direct le réacteur, ça m’aurait fait marrer (enfin, façon de parler !)
Quand on lit tous les projets en perspective (type EPR ou quatrième génération) et l’argent déjà engagé dans l’EPR et dans Astrid, on se demande s’il faut continuer à financer ces développements alors que beaucoup de Français demandent la sortie du nucléaire.
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