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Le Parlement européen

vendredi 9 mai 2014

par (Jean-François)

Il y a 5 messages de forum.

Dans mon précédent article sur les institutions européennes j’avais schématisé les rôles et les interrelations des principales d’entre-elles. Dans ce nouvel article je voudrais faire un zoom sur le Parlement, puisque ce sont les euro-députés que nous allons élire.

Pour mémoire, je rappelle que le Parlement européen siège soit à Strasbourg soit à Bruxelles. Le 30 mars 2012, les députés européens ont voté une résolution en faveur du transfert à Bruxelles de l’ensemble de leurs sessions plénières, au détriment de Strasbourg.

Le Parlement à Strasbourg

#Les Pouvoirs du Parlement européen

##Des pouvoirs importants

Conscient de la désaffection des opinions publiques à l’égard d’une construction européenne peu démocratique, le Parlement s’est appuyé sur sa légitimité élective pour élargir considérablement son champ de compétences.

  • D’après les traités, il a le pouvoir de contrôle sur la Commission et peut voter à son égard une motion de censure. Mais surtout, depuis décembre 2011, il a le pouvoir de fait de désigner le président de cette Commission.
    En effet, les partis vont maintenant choisir une tête de liste qui sera candidate à la présidence de la Commission. Le Conseil européen (chefs d’Etat ou de Gouvernement) n’aura pratiquement d’autre choix que de désigner le représentant du parti arrivé en tête des élections comme président de la Commission.
    Certes, le président de la Commission n’a pas ensuite le pouvoir de désigner les commissaires (choisis par les Conseil européen à raison d’un par pays), mais il a celui d’affecter les portefeuilles, et le Parlement a celui de ratifier le choix des Commissaires et leur attributions.
  • La Commission européenne garde le pouvoir d’initiative législative, mais les Lois présentées doivent ensuite être ratifiées conjointement par le Parlement et le Conseil de l’Union européenne (les ministres des Etats).
    Depuis le traité de Lisbonne (2009), le nombre de domaines où les décisions sont prises en colégislation a considérablement augmenté, passant de 45 à 87 sur les 120 définis par les traités. Le parlement peut maintenant intervenir sur les orientations de la PAC (Politique Agricole Commune), sur le budget européen, sur les traités de commerce (ce qui va être déterminant pour le futur Traité d’Atlantique Nord cadrant le libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis), sur l’Environnement, sur la transition énergétique...

Fort de cette légitimité, le Parlement a eu dans les dernières années un rôle décisif dans certaines avancées importantes de l’Union européenne. Sans être exhaustif on peut citer :
- Le maintien du fonds Erasmus,
- L’aide aux plus démunis,
- La garantie jeunesse pour les jeunes sans emploi,
- La limitation stricte du bonus des banquiers,
- La protection des consommateurs dans le domaine de la téléphonie mobile,
- Les nouvelles normes contraignantes sur les émissions de CO² par les voitures,
- Etc.

##Mais des points de faiblesse

Bien que représentant les Peuples européens, le Parlement ne dispose toutefois pas des pouvoirs d’orientation des politiques européennes. Le Conseil européen, représentant les Etats, se garde des « Domaines réservés », qui restent l’apanage exclusif des chefs d’Etat ou de Gouvernement. C’est notamment le cas en matière de :
- Politique fiscale.
- Politique économique.
- Politique sociale.

Dans ces domaines essentiels, les Chefs d’Etat ou de Gouvernement veulent garder une « Union des Etats », où les antagonismes bloquent toute avancée significative et sont réticents à promouvoir, même progressivement, une « Union des Peuples ».

Par exemple, les Etats les plus avancés en matière sociale (notamment ceux du Nord) ne veulent pas d’une délégation de pouvoirs au Parlement ou à la Commission pouvant entraîner un alignement par le bas.
Les Etats les moins avancés en matière de droits sociaux (par exemple le Royaume Uni) ne veulent pas d’une délégation risquant de durcir les normes minimales de protection.
L’Allemagne, principal pays assurant la garantie en dernier recours de la BCE, repousse l’idée de grands projets européens ou d’eurobonds, qui augmenteraient le risque de la Banque Centrale, etc.

C’est tout l’enjeu des prochaines années : dans quelle mesure ces domaines chasse-gardée des Etats basculeront-ils vers une prise en charge plus fédérale ?
Avec l’élection du nouveau Parlement, on va probablement assister à un bras de fer entre celui-ci et le Conseil européen. Le Parlement aura-t-il l’audace de se saisir pleinement des nouveaux droits que lui confèrent les traités ?
Le premier acte de cette confrontation sera la désignation du Président de la Commission : est-ce que le Parlement pourra imposer la tête de liste du (ou des) parti(s) ayant réuni le plus de suffrages, ou bien le Conseil voudra-t-il désigner à toute force son candidat ?

#Le fonctionnement du Parlement

La salle plénière du Parlement

Le mode de scrutin du Parlement induit un fonctionnement très déroutant pour des élus français : c’est une élection proportionnelle à un tour, qui ne donne pas de majorité absolue à un seul parti.
Dans ce système et pour faire passer une Loi, il faut donc nécessairement constituer une majorité et trouver des compromis entre partis différents. Ces majorités ne concernent pas l’ensemble d’une mandature mais doivent pratiquement être construites pour chacun des projets.

"Birgit" dans "Borgen"

Je viens d’entendre une chronique fort intéressante de Thomas Legrand, cherchant les raisons du succès du « modèle danois ». Pour lui, le mode de scrutin et le type d’institutions sont prépondérants : avec une élection proportionnelle il n’y a pas de parti dominant, la recherche d’alliances est une nécessité (souvenez-vous de « Borgen »). Il en résulte des compromis longuement négociés et réfléchis, mieux à même de répondre à la complexité des problèmes. On est loin de la culture de confrontation qui règne en France et qui bloque des réformes qui devraient être consensuelles.

Une étude récemment publiée par un chercheur de la Fondation Robert Schuman, analyse les majorités constituées au Parlement dans les 5 dernières années :

  • Dans 30% des cas, les Lois ont été votées par une coalition entre le PPE (Parti Populaire Européen, droite) et le PSE (Parti socialiste Européen, socialiste). Imagine-t-on en France près du 1/3 des Lois votées d’un commun accord entre l’UMP et le PS ?
  • Dans 40% des cas, les Lois ont été votées avec le consensus de l’ensemble des partis (droite, gauche, centristes, verts...). Je crois bien que c’est arrivé deux fois à l’Assemblée Nationale dans l’année écoulée : pour la Loi anti-tabac et la Loi sur le harcèlement sexuel.
  • Enfin dans 30% des cas, les Lois ont été votées dans une logique de blocs, comparable à ce que l’on connait en France : soit par les partis de gauche (exemple : harmonisation des congés maternité), soit par les partis de droite (exemple : traité de libre-échange avec les Etats-Unis).

Pour construire de telles majorités, les envolées lyriques sont peu efficaces, il faut plutôt un travail de fonds sur les dossiers. Certains parlementaires (souvent peu connus en France) sont ainsi devenus des experts incontestés dans leurs domaines.
Je peux citer (sans esprit partisan, comme vous allez le constater) :
- Pervenche Berès (PS), présidente de la commission des Affaires sociales, chargée du dossier des travailleurs détachés.
- Catherine Trautmann (PS) qui a joué un rôle important pour la Directive Télécoms.
- Jean-Paul Gauzès (UMP), coordinateur de la commission parlementaire des affaires économiques.
- Arnaud Danjean (UMP) spécialiste des dossiers de politique étrangère et de défense.
- Sylvie Goulard (UDI), rapporteur des textes relatifs à la supervision et le résolution des faillites bancaires.
Qui connait ces euro-députés ?

Il faut envoyer à Strasbourg de vrais spécialistes de l’Europe, acceptant de travailler dans les commissions du Parlement, prenant en charge les fonctions de rapporteurs ou de coordinateurs, construisant des majorités pour les textes qu’ils défendent... L’Allemagne et le Royaume Uni ne s’y sont pas trompés, cumulant 25 et 21 de ces postes, contre 9 seulement pour la France.

#Les circonscriptions

Vu l’empressement de nos médias à préparer les élections européennes, vous ne connaissez peut-être pas votre circonscription ni les têtes de listes de vos partis préférés. Avec le souci constant d’information qui anime ce blog (!), les voici :


- Ile-de-France (15 sièges) région Île-de-France et les Français de l’Étranger - PS : Pervenche Bérès, UMP : Alain Lamassoure, FN : Aymeric Chauprade, EELV : Pascal Durand, Alternative UDI-Modem : Marielle de Sarnez, Front de gauche : Patrick Le Hyari, Debout la République : Dominique Jamet, Europe Citoyenne : Corinne Lepage, Force Vie : Christine Boutin, Nouvelle Donne : Pierre Larouturou, NPA : Olivier Besancenot

- Sud-Est (13 sièges) : Corse, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes - PS : Vincent Peillon, UMP : Renaud Muselier, FN : Jean-Marie Le Pen, EELV : Michèle Rivasi, Alternative UDI-Modem : Sylvie Goulard, Front de gauche : Marie-Christine Vergiat (PCF), Debout la République : Gerbert Rambaud,
Europe Citoyenne : Véronique Debue, Force Vie : Samuel Lafont, Nouvelle Donne : Jean-Baptiste Coutelis

- Sud-Ouest (10 sièges) : Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées - PS : Virginie Rozière, UMP : Michèle Alliot-Marie, FN : Louis Aliot, EELV : José Bové, Alternative UDI-Modem : Robert Rochefort, Front de gauche : Jean-Luc Mélenchon, Debout la République : Pascal Lesellier, Europe Citoyenne : Marie-Jeanne Husset, Force Vie : Jean-Claude Martinez, Nouvelle Donne : Joseph Boussion

- Grand-Est (9 sièges) : Alsace, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Lorraine - PS : Edouard Martin, UMP : Nadine Morano, FN : Florian Philippot, EELV : Sandrine Bélier, Alternative UDI-Modem : Nathalie Griesbeck, Front de gauche : Gabriel Amard, Debout la République : Laure Ferrari, Europe Citoyenne : Isabelle Vérin, Force Vie : Antoine Renard, Nouvelle Donne : Isabelle Maurer

- Grand-Ouest (9 sièges) : Bretagne, Pays de Loire et Poitou-Charentes - PS : Isabelle Thomas, UMP : Alain Cadec, FN : Gilles Lebreton, EELV : Yannick Jadot, Alternative UDI-Modem : Jean Arthuis, Front de gauche : Myriam Martin, Debout la République : Cécile Bayle de Jesse, Europe Citoyenne : Dorothée Browaeys, Force Vie : Marie de Blic, Nouvelle Donne : Emmanuel Poilane

- Nord-Ouest (10 sièges) : Basse-Normandie, Haute-Normandie, Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie. : PS : Gilles Pargneaux, UMP : Jérôme Lavrilleux, FN : Marine Le Pen, EELV : Karima Delli, Alternative UDI-Modem : Dominique Riquet, Front de gauche : Jacky Hénin, Debout la République : Jean-Philippe Tanguy, Europe Citoyenne : Chantal Sayaret, Force Vie : Tobias Teuscher, Nouvelle Donne : Arthur Devriendt

- Centre (5 sièges) Auvergne, Centre et Limousin - PS : Jean-Paul Denanot, UMP : Brice Hortefeux, FN : Bernard Monot, EELV : Clarisse Heusquin, Alternative UDI-Modem : Sophie Auconie, Front de gauche : Corinne Morel-Darleux, Debout la République : Patrice Court-Fortune, Europe Citoyenne : Béatrice Robrolle-Mary, Force Vie : Jean Roucher, Nouvelle Donne : Laurence Danieau

- Outre-mer (3 sièges) Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion - PS : Philippe Le Constant, UMP : Maurice Ponga, FN : Marie-Luce Brasier-Clain, EELV : Yvette Duchemann, Front de gauche : Younous Omarjee, Debout la République : Hugues Maillot, Europe Citoyenne : Patricia Pompilius, Force Vie : Kelly Citadelle-Velin.

#Quelles orientations à venir ?

Il est toujours difficile de prévoir, surtout quand il s’agit de l’avenir. (Woody Allen dixit ? Pas sûr, mais on ne prête qu’aux riches...). Je vais quand même vous livrer quelques opinions personnelles, quitte à être cruellement démenti par les faits.

##Le Conseil européen

Droite ou gauche, libéralisme ou social-démocratie ?

Le Conseil européen (Chefs d’Etat ou de Gouvernement) est clairement de droite, ainsi qu’en atteste le tableau suivant (rappelons que les décisions s’y prennent à l’unanimité ou à la majorité qualifiée) :

PartiMembresVoix%
Parti Populaire Européen 12 165 47%
Parti Socialiste Européen 8 85 24%
Alliance des Libéraux et des Démocrates 3 21 6%
Alliance des Conservateurs et des réformistes 1 29 8%
Indépendants 4 52 15%
Total 28 352 100%

Mais les prochaines élections vont probablement être marquées par une très forte montée de l’abstentionnisme et des partis protestataires, souverainistes ou euro-sceptiques.
Ce rejet de l’Europe et le risque qu’il représente pour la construction européenne elle-même devrait amener le Conseil européen à infléchir sa politique. Tout en maintenant la rigueur nécessaire à l’assainissement des comptes publics, il sera sans doute amené à l’assouplir (par exemple sur les délais) et à lancer des initiatives en matière de lutte contre le chômage dans les pays du Sud (projets d’infrastructures, transition énergétique...).

##La Commission européenne

La prochaine Commission qui sera mise en place fin 2014 sera, de fait et comme expliqué ci-dessus, directement orientée par l’élection du prochain Parlement, sauf coup de force du Conseil européen.

M. Schulz et JC Juncker

Sans prendre trop de risques on peut raisonnablement penser qu’elle sera présidée :
- Soit par Jean-Claude Juncker, tête de file du PPE (droite) : c’est le plus probable.
- Soit par Martin Schulz, tête de file du PSE (social-démocrate) : C’est possible si les partis de gauche et/ou écologistes arrivent à monter une coalition en sa faveur.

Quel que soit le futur Président de la Commission il est alors probable (au vu de leurs récentes déclarations) qu’il aura conscience du rejet actuel de l’Union européenne et aura à cœur d’infléchir les orientations de la Commission dans ses domaines de compétences : moins d’ultra-libéralisme, moindre propension à légiférer à tout va... Affaires à suivre !

Et si, comme on peut le craindre, nous sommes privés des débats qui permettraient de nous faire une opinion avant l’élection du 25 mai, il n’est pas exclu que je commette un prochain article résumant les points de vue des partis en présence.

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