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Le Maniérisme

vendredi 23 mars 2012

par (Dominique V, Jacqueline)

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Qu’est-ce que le Maniérisme ?

Le terme désigne la production artistique qui va d’environ 1520 à la fin du XVIème siècle dans le prolongement de la Renaissance italienne et française.
Contrairement à ce que l’on peut penser, le Maniérisme n’est pas l’expression décadente des « manières » des grands artistes précédents (Léonard de Vinci, Michel-Ange, Raphaël) mais un mouvement profondément original reflétant les incertitudes et l’inquiétude des contemporains qui n’ont pas vu se réaliser les espoirs suscités par la Renaissance.

En effet, l’idéal d’harmonie s’effondre :
-  L’église catholique apparaît corrompue par le luxe et l’ambition ; à l’inverse, le moine Savonarole plonge Florence dans la terreur en faisant brûler livres et œuvres d’art considérées comme démoniaques.
-  La Réforme brise l’unité de la Chrétienté
-  L’Europe est le terrain de guerres incessantes : tandis que François 1er envahit l’Italie, Charles Quint met à sac la Ville éternelle en 1527.

Nous allons ensemble découvrir les caractéristiques de ce mouvement à partir de trois œuvres particulièrement significatives, une sculpture et deux tableaux italiens :

-  Le Persée de Benvenuto Cellini (1545-1554)
-  La Vierge au long cou de Parmigianino (1535)
-  Vénus, Cupidon et le temps (1540) d’Agnolo Bronzino

1. Le Persée de Benvenuto Cellini (1545-1554)

Cette gigantesque statue de bronze de 3,15m de hauteur est une commande de Côme de Médicis, alors duc de Toscane. Celui-ci veut reprendre le mythe de Persée pour en faire le symbole du triomphe du Bien sur le Mal mais aussi et surtout des Médicis sur les Républicains de Florence.

Le Persée de Cellini

Persée est représenté nu selon la tradition grecque. Il piétine le corps de Méduse et brandit sa tête décapitée d’où s’échappe un torrent de sang qui semble encore couler. Sa jambe gauche fléchie, l’opposition des bras et sa tête inclinée donnent l’illusion du mouvement. Son attitude générale qu’on peut qualifier de « serpentine » est celle d’un « S majuscule ».
Un siècle plus tôt, le David de Donatello (1430), par sa pose maniérée et son élégance ambiguë annonçait déjà certains aspects du Maniérisme (voir article sur la Renaissance).

Cette torsion des corps, ce mélange de raffinement et de cruauté qui frappent le spectateur sont caractéristiques du Maniérisme. On les retrouve aussi très nettement dans L’enlèvement des Sabines de J. de Bologne (1581-1583)

2. La Vierge au long cou de Parmigianino (1535)

C’est dans la peinture que ce mouvement trouve son expression la plus évidente. Le Parmesan reprend le sujet religieux le plus traité, celui de la Vierge à l’enfant mais le renouvelle avec une volonté affichée de transgresser les canons classiques, comme l’indique déjà son titre.

La Vierge au long cou de Parmigiano

Dans un décor théâtral, la Vierge est représentée comme une jeune femme d’une élégance très contemporaine. Le cou disproportionné met en valeur un visage aristocratique à la coiffure raffinée. Les mains fines et très allongées, le corps démesuré, le pied suspendu au-dessus du coussin confèrent au personnage une sorte d’irréalité.
Quant à l’enfant, il frappe le spectateur par sa taille, sa pâleur et son attitude d’abandon qui ne semble pas être celui du sommeil. A l’arrière-plan, un personnage minuscule qui défie l’échelle des proportions déroule un parchemin à côté d’une colonne gigantesque.

D’un point de vue symbolique, la beauté éclatante de la Vierge entourée de très jeunes filles s’oppose au visage blafard de l’enfant, l’une signe de vie, l’autre présage de mort. On peut y voir l’illustration de la parole du Christ : Je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin. De même, la colonne peut figurer celle de la flagellation.
Ainsi, ce tableau n’est pas seulement la représentation d’une maternité heureuse, il préfigure aussi le destin tragique du Christ.

Outre sa volonté de transgresser les codes, le Maniérisme est donc aussi un art des symboles.

3. Vénus, Cupidon et le temps d’Angolo Bronzino (1540)

Bronzino à la cour de Côme de Médicis réalisa ce tableau destiné au roi de France, François 1er. Le sujet, volontiers provocateur, présente au premier plan dans une lumière crue, Cupidon embrassant sa propre mère, Vénus dans un geste de transgression incestueuse. Les différents titres du tableau (Le Triomphe de Vénus, Vénus, Cupidon et le temps, Vénus et Cupidon entre le Temps et la Folie) témoignent des difficultés d’interprétation de ce tableau énigmatique.
Cette conception d’un art complexe de codes et de symboles qui s’adresse à un public cultivé caractérise aussi le Maniérisme.

Vénus, Cupidon et le temps de Bronzino

On reconnaît Vénus à la pomme qu’elle tient (celle que Pâris lui a donnée) et à la colombe qui fait d’elle la déesse de l’amour. Le jeune Cupidon possède le carquois rempli de flèches : Vénus en prend une, acceptant ainsi d’être l’objet d’amour de son fils. Le peintre a choisi de traiter avec sensualité les deux corps dont la blancheur est soulignée par le fond d’un bleu intense outremer. Derrière eux, l’enfant souriant qui porte un anneau à la cheville et jette des pétales de roses sur les amants incarne sans doute le Plaisir. Ces trois corps semblent unis dans une posture sinueuse et onduleuse, dite « serpentine ».

Plusieurs allégories entourent les personnages principaux sans qu’il soit toujours possible de bien les identifier. Derrière l’enfant, on peut voir un curieux personnage au visage féminin et au corps monstrueux terminé par une queue de serpent. Il offre de la main droite un rayon de miel tandis que l’autre cache le dard de sa queue. Selon la tradition, il est identifié comme la Tromperie (douceur des amours illégitimes mais caractère inévitable du châtiment ?).

A gauche de Cupidon, on aperçoit un être au visage douloureux que soutiennent deux mains tortueuses et crispées : serait-ce une personnification de la Jalousie, de la Honte, de la Folie ? Ou plus prosaïquement un avertissement sur les ravages de la syphilis ?
Le personnage en haut à gauche du tableau, essaie de tendre un voile (pudique ?) sur ces amours coupables. Il en est empêché par le bras vigoureux d’un vieillard, sûr de lui. On peut voir dans cette rivalité l’antagonisme entre l’Oubli qui veut effacer un souvenir encombrant et le Temps qui rappelle la permanence de nos actes.

Ce foisonnement d’allégories qui restent ambigües ne permet pas de donner une interprétation univoque de ce tableau. S’agit-il d’une glorification des amours coupables ou d’une mise en garde contre leurs dangers ? La mise en garde ne permettrait-elle pas simplement de détourner les indignations moralisantes ?
Cette ambivalence caractéristique du Maniérisme explique sans doute la condamnation de ce mouvement par l’Eglise.

Ainsi, à partir de ces trois œuvres, nous pouvons dégager quelques caractéristiques de ce mouvement en rupture avec la tradition.
Cette recherche de nouvelles formes d’expression se traduit par :
-  L’accent mis sur le mouvement, la torsion des corps, leur déformation systématique (allongement et refus des proportions habituelles)
-  L’utilisation des grands mythes antiques ou chrétiens revisités sous les feux de l’actualité
-  Le recours à des symboles, des allégories aux interprétations complexes, ce qui en fait un art pour un public de cour
-  L’emploi de couleurs inhabituelles, vives, acidulées ou au contraire pastels
-  Le goût affiché pour la provocation, voire la transgression des codes admis à l’époque ce qui en fait un art très moderne.

On reconnaît chez Le Greco cette déformation des corps et des visages, allongés en « flammes ». Cette manière traduit alors la spiritualité du peintre.

PS : Cet article, inspiré par notre cours d’histoire de l’art, contient des informations mais aussi des interprétations au caractère plus subjectif qui n’engagent que leurs auteurs (Dominique et Jacqueline) !

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