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De la Sicile à la Sardaigne

du vendredi 10 au dimanche 19 juin

samedi 25 juin 2011

par (Jacqueline, Jean, Jean-François, Myriam)

Il y a 23 messages de forum.

Navigations de nuit

Après une longue période de vents d’est qui nous ont poussés depuis la Grèce jusqu’au sud de la Sicile, le régime des vents a changé. Ce sont maintenant des vents d’ouest, très forts dans la journée (renforcés par la brise solaire) et qui se calment presque complètement la nuit.
Pour progresser vers l’ouest sans tirer des bords difficiles et inconfortables, on n’a donc pas le choix : il faut naviguer la nuit, en choisissant bien son créneau horaire :
- Suffisamment tard pour que la puissante houle d’ouest levée pendant le jour se soit calmée.
- Mais pas trop tard non plus pour arriver dans le port suivant avant que la brise solaire ne soit établie et ne rende la progression trop dure.

Et c’est ainsi qu’on quitte la marina di Raguzza à 01H40 du matin, pour arriver à Licata à 12h20.
Puis départ de Licata à 3h00 pour s’amarrer à Empedocle à 08h00. Enfin appareillage d’Empedocle à 03h10 pour se trouver à Sciacca à 08h45 !

Chaque départ fait l’objet d’une discussion de l’équipage pour déterminer l’heure de l’appareillage, la composition des quarts, et savoir qui prendra le fameux quart de minuit à 03h00 du matin, réputé le plus difficile (le quart précédent voit le coucher du soleil, le suivant bénéficie de son lever...)
La longue étape Sciacca Favignana (52 milles) n’échappera pas à la règle, mais notre départ prévu le 14 juin à 23h00 sera quelque peu perturbé par une mésaventure que je laisserai Jean vous conter.

Villes du sud de la Sicile


Licata  : sa marina "Cala del Sole" vient d’être inaugurée, tout le personnel est sur le qui-vive, nous sommes escortés par un canot,

Les maries de Licata

amarrés par deux ormeggiatore au ponton, conduits en véhicule électrique à la capitainerie où le P.D.G. du port accueille Mimi d’un presque baise-main. Il faut dire que nous venons grossir leur effectif d’un 4ème bateau pour une capacité de 500.
La ville de Licata est agréablement désuète avec ses édifices baroques un peu fanés. En fin d’après-midi les cafés sont tous occupés par de vieux messieurs qui nous regardent avec curiosité. Au coucher du soleil, des mariés hésitent entre un cheval chamarré et une limousine.

Porto Empedocle : Nous arrivons un dimanche matin, tout est fermé, pas de service au port. Dans la ville seules les statues occupent les rues.

un des rares passants d’Empedocle


Sciacca  : Au ponton de la "Ligue Navale Italienne", Antonella, la secrétaire, nous accueille et se met en quatre pour nous procurer ce dont nous avons besoin : du gaz, une voiture pour aller visiter Agrigente et même des livres à échanger.

Le port de Sciacca vu des thermes

_ Au restaurant du ponton, nous ferons un des meilleurs repas d’antipasti et de poisson. Sciacca est la ville des céramistes qui exécutent à la demande des pièces aux teintes colorées et aux motifs de fleurs et de fruits. Ses thermes aux eaux salines et sulfurées sont les bienvenus pour délasser notre corps et dérouiller nos articulations sollicitées par les manœuvres.

La Vallée desTemples (mardi 14 juin)

Suivant les conseils et les recommandations de Marianne, la femme de Gérard (lequel a attrapé une insolation en visitant le site...), nous décidons de cibler notre visite et de nous concentrer sur sa partie Est.

Depuis Sciacca, notre petite Fiat Punto bleue nous conduit à Agrigente en traversant plusieurs vallées couvertes d’oliviers et d’agrumes. L’arrivée sur Agrigente par l’autostrada montée sur des piliers est assez affligeante : la ville apparaît comme une montagne d’immeubles en béton tous semblables. Comme dit le Routard, on se croirait à Sarcelles ! Entre "Sarcelles " et la mer, on aperçoit enfin les temples de la Vallée. Par chance, celle-ci a échappé à la modernisation sauvage depuis qu’elle est classée patrimoine mondial de l’Unesco. En réalité, ce n’est pas une vallée mais une longue crête où les temples et les monuments s’alignent.

Les trois temples principaux (le temple d’Héra, celui de la Concorde et celui d’Héraclès) de style dorique (VIème, Vème av. JC°), sont construits en pierre de tuf d’un beau blond doré ; ils sont orientés vers l’est (selon la liturgie grecque, les dieux devaient regarder le soleil levant), étonnamment bien conservés (surtout celui de la Concorde) et harmonieux. Le sentier qui conduit de l’un à l’autre est semé d’amandiers et de gros rochers creusés de tombeaux paléochrétiens offrent des trouées sur la mer azuréenne.

Grecs endormis

La balade est agrémentée par d’immenses sculptures en bronze d’un artiste contemporain polonais qui offrent un premier plan original et renouvellent le regard sur le site. Les sculptures représentent des têtes géantes qui reposent devant les temples ou des héros mythologiques qui semblent incarner l’Humanité face aux dieux, une humanité vaincue peut-être mais dont les rêves subsistent comme autant de défis lancés aux dieux intraitables... Ainsi Icare est allongé par terre, les ailes brisées mais il garde caché dans un coin de son corps ses rêves de liberté. Un peu plus loin, « Icaria », elle, est debout et semble braver le Ciel avec le visage de son sexe.

Icaria

Le Musée archéologique présente de très belles pièces. J’ai particulièrement aimé la collection de vases antiques, la statue du bel éphèbe d’Agrigente et celle d’Aphrodite accroupie. Le Télamon qui supporte l’architrave du Temple de Zeus est monumental : 7,65m de hauteur ! Et le cercueil en marbre romain est d’un réalisme poignant : de part et d’autre du lit de l’enfant mourant, le grand-père regarde fixement le sol tandis que la grand-mère semble attendre une hypothétique guérison dans une attitude d’imploration.

Faux départ

A la nuit tombante, nous appareillons tout équipés pour la navigation. A peine sommes nous sortis du ponton qu’un fort hoquêtement nous alerte : certainement quelque chose s’est pris dans l’hélice. On se penche et, damned, c’est un filet de pêche qui barre l’accès à la mer. Nous voilà immobilisés au milieu de la sortie dans la nuit qui est maintenant bien tombée, sans pouvoir utiliser le moteur. Pourvu que le vent ne nous porte pas sur les bateaux avoisinants ! Il faut agir vite. On sectionne le filet en avant du bateau et on se hale sur la partie arrière du filet, ce qui nous permet de regagner le ponton et de nous amarrer.

La mort dans l’âme, nous nous résolvons à nous coucher et à attendre le lever du soleil. Dès le petit matin, Jean et Jackie plongent dans l’espoir de dégager les débris du filet entortillés autour de l’arbre d’hélice. Cela se révèle au dessus de nos possibilités de plongeurs en apnée, on n’a pas assez de souffle pour venir à bout des nombreux tours enchevêtrés.

L’objet du delit

Ce filet tendu en travers du port étant contraire à toute déontologie maritime, Benoît, notre voisin corse, nous conseille de faire une déclaration à la Guardia Costiera. Le capitaine s’indigne, fait réquisitionner le filet et téléphone à un plongeur qui viendra nous délivrer dans l’après-midi.
Gino le plongeur inspecte notre coque et nous propose de changer une anode, on court en acheter une chez l’accastilleur pendant que son petit neveu nous offre de gigantesques moules pêchées au ponton. Le soir nous avançons l’heure de départ pour sortir du port de jour, scrutant les eaux à la recherche d’un filet pernicieux.

Suite de la navigation

Après ce faux départ du 14 juin, la navigation dans la nuit du 15 au 16 juin se fera sans problèmes et l’on bénéficiera même d’une splendide éclipse totale de lune, entre 21h00 et minuit. A 07h30, on arrive à Favignana pour une courte journée de repos, visite du village, dégustation de granites et préparation de la longue traversée qui nous attend pour rejoindre la Sardaigne.
Mais ceci est une autre histoire (à lire ci-après).


Favignana

Dernière escale avant la Sardaigne (jeudi 16 juin)

Favignana est une petite île située au large de la Sicile qui constitue une excellente base de départ pour la traversée vers la Sardaigne. Quand nous y débarquons, le village s’éveille à peine et nous sommes parmi les premiers à siroter cappucino, cafe con latte ou decafeinato sur la petite place à l’ombre de la statue un peu bedonnante du Signore Ignazio Florio, l’ancien propriétaire de l’île. Mais dans la journée, le village est envahi par les touristes et perd un peu de son charme.

Ces dames au marche

Nous préparons la navigation en faisant les courses (sans oublier d’acheter une boîte de thon !), la cuisine, le plein de gas-oil et d’eau (qui s’avère difficile comme le relate JF un peu plus loin) mais nous prenons aussi le temps d’aller nous baigner sur la plage en face de la Tonnara, belle bâtisse en réfection qui rappelle que la pêche au thon a été l’activité principale de l’île au XIXème siècle et jusqu’en 1960.

La traversée de Sicile en Sardaigne

(vendredi 17 et samedi 18 juin)

Elle est longue, cette traversée, même en partant de Favignana. Pas question de la faire bout au vent d’ouest, en tirant des bords. Inutile de dire qu’on scrute la météo avec attention depuis plusieurs jours, et il semble bien qu’un changement du régime d’ouest soit prévu : une courte fenêtre météo favorable se profile du 17 au 18 juin (vivent les cartes de prévision météo à long terme, disponibles sur Internet !)
La mésaventure de Sciacca nous embête donc bien, elle sucre la journée de repos prévue avant le départ de Favignana. Mais il faut vraiment bénéficier de ces vents portants du 17 juin.

Les pleins d’eau et de gasoil sont faits le 16 au soir (un peu difficilement pour l’eau, coupée au port : 6 voyages avec le bidon d’eau depuis le restaurant le plus proche, pour remplir le réservoir).

On appareille de Favignana au petit jour (06h00). Passée la pointe, plus un souffle de vent et une mer d’huile jusqu’au soir. Heureusement, Popaul et notre petit diesel assurent. Et les dauphins nous font un brin de conduite, à la grande joie du bord !

Les dauphins ou 5% de bonheur pur

Benoît, notre voisin corse de Sciacca, nous l’avait bien dit : « la voile, c’est 70% de travail, 25% d’emmerdements et 5% de plaisir mais, après coup, on ne se souvient plus que des 5% ! ».
Pour ne pas déchoir à la règle, je ne me souviendrai donc que des 5%, en vo

Couple de dauphins

us racontant notre rencontre avec la famille de dauphins :

On venait de laisser l’île Maremitto sur babord et les quarts de jour avaient commencé. 9h-11H : JF et Jacq. Le bateau avance doucement au moteur, avec la lenteur un peu solennelle d’un dromadaire sur le grand désert bleu. Soudain, un, puis deux, puis trois, puis quatre dauphins surgissent à l’avant de l’étrave. Branle bas de tout l’équipage. Le quart du bas déboule sur le pont. Les quatre dauphins bientôt rejoints par deux autres plus petits nous escortent et s’amusent avec l’étrave. On distingue très bien leurs évents quand ils bondissent hors de l’eau pour respirer et leur œil semble nous regarder en coin. Leur puissance musculaire est phénoménale et l’eau transparente permet de suivre leur course et leurs mouvements sous l’eau.

Le ballet des dauphins
Le ballet des dauphins

Dans l’équipage, l’excitation est à son comble : Mimi et Jacqueline poussent de petits cris, Jean tente de communiquer avec BA et Fi en sifflant et JF photographie. Quel spectacle ! « Que du bonheur » comme dirait Thierry quand il revient des Vallons !

A la nuit le vent rentre de sud à sud-est, comme prévu. Pas très fort (10 à 15 nœuds), il lève quand même une petite houle assez inconfortable.
Les quarts se succèdent, la première heure passe toute seule, la deuxième se traîne, quant à la troisième, chacun regarde sa montre pour voir les minutes défiler trop lentement...
Evidemment, quand il y a trois femmes et Trois hommes dans un bateau, les quarts sont plus reposants. Mais enfin trois heures permettent quand même au quart du bas de se reposer (à peu près), d’autant que les quelques changements de toile sont faciles et n’appellent pas sa présence en haut, comme lors de la traversée Grèce-Calabre.

Mimi met son harnais pour le quart

De toute l’étape on ne croise pratiquement aucun bateau : juste un gros porte-conteneur à la tombée du jour et un car-ferry au petit matin qui nous oblige à empanner pour l’éviter !

Et c’est un équipage fatigué mais content qui voit la côte sarde apparaître sous la brume matinale (Mimi la première, à elle la double !) et qui finalement s’amarre à Porto Corallo à 12h00 pétantes le 18 juin.

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